Article par Sarah Lévesque | 8 décembre 2016
Dessiner le parcours professionnel de l’éditrice Diane Pinet, fondatrice des Éditions Bloc-Notes Musique, c’est accepter d’avance les trous et les oublis d’une telle entreprise. Il y a longtemps que cette fonceuse et passionnée œuvre dans l’univers musical à sa façon.
Dès la polyvalente, la jeune femme organise des spectacles, de Jean-Pierre Ferland à Harmonium. « À l’époque, je ne pensais même pas qu’on pouvait gagner sa vie de cette façon. » Lorsque le cégep de St-Laurent où elle étudie tombe en grève, le tourneur Alain Paré l’approche pour travailler avec lui. Elle accepte tout en poursuivant des études universitaires qui la mèneront ensuite dans le monde du droit d’auteur, au sein de SDE/PRO, ancêtre de la SOCAN. Le jour où elle flirte avec l’idée de changer de boulot et de travailler dans le milieu publicitaire, ses amis musiciens, auteurs et compositeurs, l’encouragent plutôt à créer sa propre maison d’édition. Et c’est ce qu’elle fait en 1985 avec la création des Éditions Bloc-Notes Musique.
« À cette époque, les droits étaient très petits. J’étais frustrée par le très peu d’argent que les auteurs et compositeurs récoltaient. Même pour les artistes qui avaient un numéro un, certains vivaient souvent sous le seuil de la pauvreté. J’avais beaucoup de difficulté avec cette situation-là. »
Dès ses débuts, les Éditions Bloc-Notes Musique se distinguent par le caractère international de son catalogue. Pinet passe beaucoup de temps en France afin d’obtenir des ententes. Pour gagner en crédibilité dans ce milieu masculin, elle raconte alors qu’elle avait un patron. « On me trouvait très efficace puisque mon patron “virtuel” m’envoyait aussi souvent en voyage… » Elle signe alors en sous-édition tout le catalogue de Virgin France.
Ce lien privilégié avec la France existe toujours puisque Éditions Bloc-Notes Musique est sous-éditeur du prestigieux catalogue de Warner Chappell France. Pour Pinet, cette idée qu’une chanson se doit de voyager, au-delà de son territoire d’origine, est une chose évidente et voire même, essentielle. « Il n’y a pas de frontières à une bonne chanson. Je crois que cela me vient de mon éducation. J’ai changé beaucoup de fois de pays quand j’étais jeune. J’ai vécu en France et en Angleterre. Mon père travaillait dans l’aviation canadienne. Pour moi, peu importe où l’on se trouve, il y a des choses fantastiques à faire. » Cela lui a visiblement servi comme le révèle son travail ou ses collaborations auprès d’auteurs, compositeurs et interprètes tel que Céline Dion, Luc Plamondon, Patrick Bruel, Gerry Boulet, Gipsy Kings, le Cirque du Soleil (René Dupéré), Marie-Mai, et avec des auteurs-compositeurs ayant tous obtenu des disques d’or, platines et des Prix No. 1 SOCAN, comme Tino Izzo, Diane Cadieux, Bobby John, Fred St-Gelais, Bobby Bazini, Sally Folk et Stéphane Dufour, pour ne nommer que ceux-là.
« Ce qui compte pour moi, c’est d’avoir un frisson en écoutant une chanson. On ne peut faire aussi longtemps ce métier sans aimer profondément la musique. »
Encore aujourd’hui, Diane Pinet construit et entretient des liens sur toute la planète. Quelques jours avant notre discussion, la femme d’affaires venait d’officialiser une entente avec Warner Chappell US, une négociation d’une durée de plusieurs mois dont elle était particulièrement fière. « Il n’y a pas une façon de faire des affaires, mais des façons de faire des affaires. Le marché québécois n’a rien à voir avec le marché canadien. Tout comme le marché américain n’a rien à voir avec le marché français ou japonais. Je ne fais pas ici de la politique. Pas du tout. Quand on travaille à l’échelle de la planète, ce qui compte, c’est une forme de disponibilité. Cette capacité à réagir promptement et à s’adapter. Je me dois d’être capable de revoir mon plan d’affaires en l’espace de 24 heures. Pour moi, cette rapidité et cette flexibilité font appel à notre créativité. »
Mais que ces ententes se réalisent avec des joueurs d’envergure ou des indépendants, la donne ne change pas pour Diane Pinet qui affectionne également la proximité avec les auteurs et compositeurs qu’elle représente. « Ce qui compte pour moi, c’est d’avoir un frisson en écoutant une chanson. On ne peut faire aussi longtemps ce métier sans aimer profondément la musique. Je suis toujours aussi excitée d’entendre de nouvelles chansons, de voir des auteurs-compositeurs entrer dans mon bureau pour me faire entendre une pièce. C’est un cadeau. »
Son lien avec les auteurs et compositeurs est si précieux et privilégié que cette « manager de chansons » accompagne leurs parcours, proposant des ateliers d’écriture, au Canada, aux États-Unis et en Europe. « J’ai encouragé l’auteur Bobby John à participer à un camp d’écriture à Toronto avec 40 créateurs pour les jeux panaméricains. Sa chanson, Together We Are One, qu’il a coécrite avec Jasmine Denham et Murray Daigle, a finalement été sélectionnée pour être la chanson thème des jeux. Et c’est Serena Ryder qui a interprétée la chanson qui a obtenu un No. 1 SOCAN. Reste que le parcours d’un auteur ou compositeur est toujours unique et particulier à chacun. Ce qui est bon pour Betty Bonifassi, ne convient pas nécessairement à Fred St-Gelais. »
Celle qui a vu son métier se transformer perçoit positivement les grands défis auxquels doivent faire face créateurs et éditeurs. Elle attend d’ailleurs avec impatience la révision juridique de la loi sur les droits d’auteur prévue en 2017, qui, espère-t-elle, verra la durée de la protection des droits d’auteur passer de 50 à 70 ans pour les ayants droit – comme cela est le cas en France, en Italie et au Brésil. « J’espère aussi que cette révision nous donnera les outils nécessaires afin que nos auteurs, compositeurs et créateurs puissent être mieux représentés à l’égard de l’utilisation de leurs œuvres, et de manière d’autant plus urgente avec tous les changements technologiques de ce monde. »
Dans la tourmente, Diane Pinet embrasse le défi comme une opportunité de rassembler les nombreux acteurs musicaux, des créateurs aux différentes associations à travers le pays, autour d’une même cause. « Le reflet de notre culture représente qui nous sommes. »
Article de la SOCAN
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